Historique
• Jusqu’au XVIème : Les Clamorgan, la forteresse, le marché, le moulin et la chasse au loup •
La première famille seigneuriale connue à Saint-Pierre-Eglise est celle des CLAMORGAN (ou encore Gratechef), seigneurs anglais d’origine saxonne ralliés à Guillaume le Conquérant (1066). Ils ne sont connus à St-Pierre-Eglise qu’à partir du XIIIe siècle.
Après la prise de la Normandie par Philippe Auguste aux dépens de Jean Sans Terre, roi d’Angleterre et duc de Normandie (1203), ils partagent leur seigneurie avec une famille de Nerbonne.
Pendant le XIIIe siècle et la « Guerre de Cent Ans », les Anglais envahirent le Cotentin – notamment en 1405 par St-Vaast-la-Hougue – et dévastèrent le pays dont Saint-Pierre. Au début du XVe siècle, le seigneur de Saint-Pierre se rallia au roi d’Angleterre.
En août 1517, Jean I de Clamorgan, qui disposait à St-Pierre d’une maison forte, clause à eaux avec moulin, obtient de François Ier la création sur ses terres d’un marché chaque mercredi, qui dure encore aujourd’hui et a permis le développement de la commune au centre du canton. Pour son bon déroulement des halles importantes aujourd’hui disparues ont été construites. Gilles de Gouberville raconte dans son « journal » que, le 1er décembre 1555, il a vu le moulin à vent que faisait construire Jean de Clamorgan en haut de « La Masse ». Jean I a aussi laissé un «Traité sur la chasse au loup» qui le fait regarder comme le fondateur de la louveterie française.
• Au XVIIème : les Castel de Saint Pierre d’où l’abbé et le manoir •
Le 24 avril 1575, les Clamorgan vendirent la seigneurie de Saint-Pierre à Richard Castel. A la suite des brigandages et révoltes entraînées dans le Cotentin par des querelles belliqueuses injustement nommées « guerres de religion », son fils, Nicolas, vit en 1595 son château attaqué, brûlé et réduit en ruines. A côté du château détruit, vers 1600, un manoir neuf fut construit aux dépens de l’incendiaire. Il en reste plusieurs bâtiments qui constituent aujourd’hui les communs.
En 1640, Charles Castel, fils de Nicolas, épousa la fille du maréchal de Bellefonds et fut grand bailli du Cotentin. Il disposait donc de biens importants et aimait les mettre au service de ceux qui en avaient besoin. C’est ainsi qu’au manoir dont il avait hérité il ajouta « une école gratuite et un hôpital ». En outre, il agrandit, à ses frais, l’église de la paroisse devenue trop petite (à cause du développement dû au marché), pour lui donner son architecture actuelle (1661).
Il eut dix enfants, dont le célèbre « abbé de Saint-Pierre », premier théoricien politique français de renommée internationale, ayant précédé de près de 200 ans Alexis de Tocqueville, autre illustre penseur politique issu du Val de Saire. L’abbé de St-Pierre inspira jusqu’au XXe siècle, jusqu’à la création de la Société des Nations (S.D.N.). La tradition rapporte qu’une petite pièce de l’ancienne école construite par son père, entourée encore aujourd’hui de boiseries naturelles, aurait été son bureau de réflexion et d’écriture St-Pierrais.
• Du XVIIIème à 1940 : Le château actuel, les Blangy et le haras •
La Normandie n’étant plus dévastée au début du XVIIIe siècle, Bon-Hervé Castel, petit-fils de Charles et neveu de l’abbé, voulut bâtir une demeure de plaisance à St-Pierre pour donner de l’emploi dans la région et faire œuvre d’art. Il entreprit donc des travaux importants : 4 750 mètres de murs entourant un enclos d’une cinquantaine d’hectares dans lequel trône une bâtisse (45 m x 15 m) en moellons recouverts d’enduit avec pierres d’angles en granit, couverture à pans coupés en ardoise, hautes fenêtres à petits carreaux, vastes terrasses.
Il s’agit d’un des plus remarquables châteaux (inscrit monuments historiques) du Cotentin, tant par son homogénéité extérieure (y compris les perspectives) que par ses décorations intérieures typiques du raffinement de l’art français du XVIIIe siècle. La construction s’étala, semble-t-il, sur une vingtaine d’années et on retrouve l’évolution de l’art en cette période entre d’une part une architecture au caractère légèrement sévère (surtout au sud) et d’autre part des sculptures de boiseries, des marbres, des ferronneries et des peintures d’un raffinement et d’une qualité remarquable.
Le successeur de Bon-Hervé Castel, Bon Erard de Beslisle, bien que très estimé à Saint-Pierre (on aurait été jusqu’à Paris à Cheval pour empêcher sa condamnation) mais fatigué par les évènements de la Révolution Française, laissa en 1802 à Augustin Leviconte, Comte de Blangy, un autre descendant de Charles Castel, le domaine de St-Pierre, qui fut maintenu sans encombre jusqu’en 1940. Pendant cette période, époque où le cheval représentait l’unique source d’énergie, le fils d’Augustin, Gaston de Blangy, voulut aider les agriculteurs en leur fournissant gratuitement l’utilisation des bâtiments des étalons et des palefreniers de l’Etat, ainsi que leur nourriture, pour l’amélioration génétique et des performances des animaux. Cette prestation s’est poursuivie pendant plus d’un siècle. Il fut aussi cofondateur du Jockey Club à Paris
• De 1940 à aujourd’hui : délabrement et restaurations successives •
En 1940, les Allemands s’installèrent jusqu’en juillet 1944. La vue sur la mer (de Cosqueville à Réthoville) et sa proximité les poussèrent à fortifier les alentours du château pour le défendre (17 constructions dans un rayon de 100m avec une ceinture de barbelés minés). Ils y avaient implanté un centre important de réparation mécanique (camions, engins, etc.).
Les Américains occupèrent à leur tour le château pendant une année entière – à plus de 450 ! –, laissant à leur départ un ensemble profondément délabré. Le propriétaire d’alors, Hubert de Blangy, passa les 15 dernières années de sa vie à restaurer cette propriété afin de lui redonner, en partie, son lustre originel. Pour réaliser ces travaux, il fallut l’aide de 5 personnes passionnées et dévouées dont il faut souligner le talent et la ténacité.
Depuis 1995, une nouvelle campagne de restauration a été mise en route et se poursuit dans le but de conserver en bon état ce patrimoine privé exceptionnel et de lui permettre de s’insérer harmonieusement dans la vie sociale et touristique de la Manche, tout en préservant l’intimité de la famille qui l’habite.
Actuellement, la propriété s’ouvre pour vos réceptions, visites de groupes et animations éventuelles tandis qu’un gîte vous accueille dans les dépendances.